Lenio Kaklea

Espace liminaire aux angles morts, lieu de marges et de dissidences, asile quand elle n’est pas piège, la forêt forme un paysage foncièrement ambigu, situé entre la contrée toxique et le pays d’extase. Les humains et les animaux peuvent autant s’y dissimuler, s’y traquer et s’y tuer, y mener des parties de chasse et des jeux de pistes, qu’y trouver matière à délassement, à jouissance ou à contemplation. Des Ardennes à la Forêt noire, de Brocéliande au Vexin, des légendes vernaculaires aux épopées arthuriennes, Lenio Kaklea investit sa géographie et ses imaginaires pour constituer le théâtre d’un ensauvagement ritualisé, méticuleux, qui conduit à la dissolution des identités et à la métamorphose des corps. Au cœur de cette topologie aussi poétique que concrète, la scène de la danse devient une « Zone À Défendre », selon les mots de la chorégraphe, un sanctuaire de la vie sauvage habité par des fauves en mouvement. En le portant au plateau, Lenio Kaklea donne sa chorégraphie à la vie archaïque et indomptable de la forêt, comme à son écho tapi au creux de nos corps.

Lenio Kaklea est une danseuse, chorégraphe et écrivaine née à Athènes, en Grèce. Elle vit et travaille à Paris. Elle se forme au ballet classique et aux techniques et répertoires modernes américains au Conservatoire National de Danse Contemporaine d’Athènes puis en 2005, étudie au CNDC d’Angers. Sa pratique artistique s’inspire du féminisme, de la psychanalyse et de la critique institutionnelle. Elle mène des collaborations avec d’autres artistes, tels que Boris Charmatz, Alexandra Bachzetsis, ClaudiaTriozzi, François Chaignaud, Cecilia Bengolea et Emmanuelle Huynh et Lucinda Childs. Ces dernières années, son travail a fait l’objet de commandes prestigieuses. En 2019, elle reçoit le Prix de la Danse de la Fondation Hermès Italia et de la Triennale de Milan et crée le solo autobiographique Ballad. En 2021, elle chorégraphie Age of Crime, une pièce pour neuf danseur·euse·s, dans le cadre du bicentenaire de la guerre d’indépendance grecque au Festival d’Épidaure à Athènes. La même année, elle chorégraphie l’œuvre emblématique pour piano préparé de John Cage, Sonates et Interludes, accompagné sur scène du pianiste Orlando Bass.