Thom Luz et ensemble

Une voiture percute une biche sur une route de campagne, en pleine nuit, et part se renverser dans le décor. Ce crash, anodin, fournit à Thom Luz le point de départ d’une riche dérive sur le hasard, l’inéluctable, le temps, et la fabrication même du récit, dans une composition scénique où chaque détail importe. Son ensemble, aussi musical que performatif, se saisit du dossier à la manière d’une délégation de poètes-analystes en costumes, qui s’échineront à reconstituer la scène – voiture, neige, sortie de route, animal inerte – puis à tisser autour d’elle toute une mystique de l’accident, et à la chanter si besoin. Car Chansons Sans Paroles est avant tout un majestueux exercice de mise en scène et en musique, balisé par le recueil éponyme de pièces pour piano du compositeur allemand Felix Mendelssohn, et quelques jams à dominante électronique ou bruitiste. Quelque part entre Christoph Marthaler et Samuel Achache, le metteur en scène suisse élabore ici un captivant « stop motion » du désastre avec les outils du théâtre musical, où le pouvoir d’éloquence de la partition accompagne une douce méditation métaphysique aux confins de l’absurde.